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Simulacres d’offrandes du Ramesseum

 

Les petits objets en faïence conservés à l’Institut d’Egyptologie de Strasbourg sous les numéros IES_NI_257 et IES_NI_261[1] sont des dépôts de fondation[2]. Enfouis au cours de la cérémonie de fondation, ces dépôts sont placés généralement à l’arrière et aux angles principaux d’édifices tels que les temples, les tombes royales ou privées, les enceintes de villes, les forteresses ou les palais. Les objets dispersés dans la fosse peuvent être d’une grande variété. On retrouve fréquemment des outils de construction (haches, herminette), des offrandes alimentaires (animaux, graine, céréales, vin…), de la poterie miniaturisée, des briques et des modèles de moules de briques, ainsi que des simulacres d’offrandes en faïence[3].

Attestée dès l’Ancien Empire, cette pratique atteint son apogée durant l’époque ramesside, période au cours de laquelle sont produits en masse de petits simulacres d’offrandes en faïence aux formes diverses : mains, grains de blé, canards, cuisses et têtes de bovins ou encore bovins aux pattes liées.

Les pièces numérotées IES_NI_257 et IES_NI_261 représentent respectivement un bovidé sacrifié et une patte de bœuf (Fig. 1 et 2). Réalisés en faïence égyptienne, ces objets ont été fabriqués à partir de moules monovalves, ce qui leur donne cet aspect d’une face en relief et de l’autre plane. La couleur turquoise des deux simulacres d’offrandes provient d’une glaçure contenant de l’oxyde de cuivre combiné à des alcalis[4].

Les deux objets proviennent d’un des trois dépôts de fondation du Ramesseum, temple funéraire édifié dans la nécropole thébaine par Ramsès II, troisième souverain de la xixe dynastie. Les fouilles du Ramesseum ont été entreprises par W.M.F. Petrie et J.E. Quibell durant l’hiver 1895/1896[5]. Les pièces présentées ici proviennent d’un lot d’objets dont W.M.F. Petrie a fait don à l’Institut d’Egyptologie de Strasbourg. Elles accompagnaient un ensemble d’artefacts incluant des plaquettes en faïence bleue, des cartouches en feuilles d’or, une série de pots et de bols, des binettes en bois, des moules à briques et des petites objets en faïence : main, tête de bovin, bœufs sacrifiés aux pattes liées, cuisses de bœuf, graines, cartouches.

 

Figure 1 : faces avant des simulacres d'offrandes en faïence n° IES 261 (gauche) et 257 (droite).

 

Figure 1 : faces avant des simulacres d'offrandes en faïence n° IES_NI_261 (gauche) et IES_NI_257 (droite). Cliché C. Hartenstein@ Institut d'égyptologie de l'Université de Strasbourg

 

 

 

 

 

Figure 2 : faces arrière des simulacres d'offrandes en faïence n° IES_NI_261 (gauche) et IES_NI_257 (droite). Cliché C. Hartenstein@ Institut d'égyptologie de l'Université de Strasbourg

 

 

 

 

L’objet IES_NI_257 (L. 35 mm ; l. 18 mm ; ép. 2 mm) figure le corps d’un bovidé dont la queue et trois pattes ont été attachées, tandis que la quatrième patte – la cuisse antérieure droite – est manquante. L’animal, la tête tranchée, présente une longue crinière au niveau de l’encolure : ce dernier détail permet de réviser l’identification de « bœuf » proposée par W.M.F. Petrie[6] pour lui préférer une espèce de mouton, ovis longipes palaeoaegyptiacus, dont les mâles arborent une telle crinière[7] (Fig. 3).

Figure 3 : L’espèce ovis longipes palaeoaegyptiacus. D’après Vandier, 1969, p. 11.

 

 

 

 

L’offrande IES_NI_261 (L. 39 mm ; l. 14 mm ; ép. 3 mm) représente une patte avant droite de bovidé. Le sabot est détaillé tandis que le haut de la cuisse est marqué par un V évasé.

Les deux objets miniaturisent et symbolisent une pratique rituelle très attestée durant l’époque pharaonique : le sacrifice de bovidés. Fréquemment représentée sur les parois murales, cette activité de boucherie est très codifiée. Les équarrisseurs, avant de procéder au dépeçage de l’animal, attachent les deux pattes postérieures et une patte antérieure ensemble, pour ne laisser qu’une seule patte avant libre, qui est découpée par la suite[8] (Fig. 5). Cette patte antérieure est appelée khépech par les Anciens Egyptiens. L’ablation est pratiquée par le boucher qui, tenant son couteau de la main droite, découpe la patte au niveau de l’articulation[9] (Fig. 4-5). Pour éviter de sectionner l’apophyse du fémur, l’équarrisseur tranche la cuisse en formant un V évasé, détail reproduit sur la pièce IES_NI_261 (Fig. 4-5).

 

 

Figure 4 : Scènes de boucherie provenant du mastaba de Ptahhotep, Saqqara. D’après Vandier, 1969, p. 135, fig. 73.

 

 

 

 

Figure 5 : Scènes de boucherie provenant du mastaba de Mérérouka, Saqqara. D’après Vandier, 1969, p. 141, fig. 76.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces deux offrandes s’inscrivent dans l’évolution historique des dépôts de fondation. En effet, ces objets factices perpétuent de manière métaphorique l’un des restes fauniques les plus couramment enfouis à l’origine dans ce type de dépôts : les ossements de bovidés sacrifiés. Apparus en substitution de ces offrandes alimentaires, les simulacres en faïence sont attestés dès Amenhotep II. Ils atteignent leur paroxysme au cours de la xixe dynastie, époque qui voit apparaître des types de plus en plus variés et nombreux, dont les dépôts de fondation du Ramesseum sont un bon exemple. La pratique rituelle des cérémonies de fondation, loin d’être une tradition désuète, se perpétue encore à l’heure actuelle : en atteste la confection, à l’occasion de la fondation de la MISHA, d’un bloc portant divers textes et images en lien avec les Sciences de l’Homme (Fig. 6).

Figure 6 : bloc élaboré à l’occasion de la fondation de la MISHA. Photo Cl. Lorentz.

 

 

 

 

 

Aurélie Roche

Doctorante contractuelle

UMR 7044 (Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée – Europe (ARCHIMEDE) -Université de Strasbourg

 

 

Bibliographie :

Azim, M., «Découverte de dépôts de fondation d’Horemheb au IXème pylône de Karnak», Cahiers de Karnak VII, 1982, p. 93-120.

Kaczmarczyk, A., Hedges, R. E. M., Ancient Egyptian Faience : an analytical survey of Egyptian Faience from Predynastic to Roman times, Warminster, 1983.

Lavenex Vergès, F., Bleus Egyptiens, Louvain, 1992.

Letellier, B., LÄ II, 1981, col. 906-912, s. v. Gründungsbeigabe.

Quibell, J. E., The Ramesseum, London, 1898.

Vandier, J., Manuel d’archéologie égyptienne, tome V, bas-reliefs et peintures, scènes de la vie quotidienne, Paris, 1969.

Weinstein, J., dans D.B. Redford, (éd.), The Oxford Encyclopaedia of Ancient Egypt, vol. I, New York, 2001, p. 559-561, s. v. Foundation deposits.

 


[1] Cet article est le résultat d’une recherche personnelle entreprise dans le cadre du séminaire d’égyptologie de master donné par le Pr. Frédéric Colin durant l’année universitaire 2009-2010.

[2] B. Letellier, LÄ II, 1981, col. 906-912, s. v. Gründungsbeigabe ; J. Weinstein, dans D.B. Redford, (éd.), The Oxford Encyclopaedia of Ancient Egypt, vol. I, New York, 2001, p. 559-561, s. v. Foundation deposits.

[3] M. Azim, «Découverte de dépôts de fondation d’Horemheb au IXème pylône de Karnak», Cahiers de Karnak VII, 1982, p. 93-120.

[4] A. Kaczmarczyk, R. E. M. Hedges, Ancient Egyptian Faience : an analytical survey of Egyptian Faience from Predynastic to Roman times, Warminster, 1983 ; F. Lavenex Vergès, Bleus Egyptiens, Louvain, 1992.

[5] J. E. Quibell, The Ramesseum, London, 1898.

[6] W.M.F. Petrie, Six temples at Thebes, London, 1897, p. 6.

[7] J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, tome V, Paris, 1969, p. 11-12.

[8] J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, tome V, Paris, 1969, p. 143.

[9] J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne, tome V, Paris, 1969, p. 158.

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